Les thérapies de pleine conscience

MBSR, MBCT, ACT… de plus en plus d’approches thérapeutiques, d’orientation cognitive et/ou comportementale, se développent autour de la pratique méditative de pleine conscience. Leurs objectifs : améliorer le bien-être et la qualité de vie, intervenir sur le stress et l’anxiété, réduire les symptômes dans un certain nombre de troubles psychiques. Leurs points communs : elles intègrent toutes des pratiques de méditation et ont été développées et évaluées scientifiquement au cours de ces dernières années. Nous nous proposons d’en faire ici l’état des lieux.

Méditer ou comment (re)devenir acteur de sa santé

Les thérapies de pleine conscience s’inscrivent dans le domaine des médecines complémentaires, des thérapies alternatives et de la psychologie de la santé. Elles mettent en avant les capacités et les ressources psychiques des individus concernant leur propre état de santé, qu’ils soient ou non en situation de détresse émotionnelle. Elles répondent en cela à un besoin actuel croissant chez nos concitoyens de (re)devenir acteur de leur santé et de participer activement à leur propre processus de bien-être et de guérison.

Méthodes de prévention primaire -pour empêcher la maladie d’apparaître-, secondaire -pour réduire la durée d’évolution de la maladie une fois installée- et tertiaire -pour réduire les invalidités fonctionnelles-, ces thérapies sont applicables à tous les domaines de la vie nécessitant une prise en compte des processus mentaux. Ces nouvelles approches trouvent ainsi naturellement leur place aussi bien dans le champ de la psychothérapie -douleurs chroniques, stress, anxiété, dépression, troubles alimentaires…- que dans le champ du développement personnel -améliorer son attention et sa concentration, mieux communiquer, modifier sa relation à soi et aux autres… Elles sont de plus en plus utilisées dans le monde hospitalier, avec une optique de soin, et au sein des entreprises, dans le cadre de la lutte contre les risques psycho-sociaux.

Prendre soin de soi “en pleine conscience” : mécanismes d’action

Ces nouvelles thérapies reposent principalement sur le concept de pleine conscience. Cela consiste à « diriger son attention d’une certaine manière, c’est à dire, délibérément, au moment voulu, sans jugement de valeur ». Plus simplement, il s’agit de prêter une attention toute particulière à ses sensations corporelles, à ses pensées et à son état émotionnel dans l’instant présent. Sont ainsi proposés plusieurs pratiques de méditation -assise, allongée ou en mouvement-, et des exercices de relaxation dynamique. Une place est accordée aux échanges entre les participants et le thérapeute.

Il est à noter que, si la pleine conscience est le plus souvent, et à juste titre, associée au bouddhisme qui a effectivement “choisi” de la mettre au cœur de sa pratique, les phénomènes d’attention et de concentration sont des capacités humaines universelles. En ce sens, les thérapies de pleine conscience sont mises en œuvre dans un cadre laïque.

Chacune d’entre elles possède ses spécificités propres. Cependant, quelques orientations pratiques et générales peuvent être dégagées :

– prise de conscience des pensées automatiques, des ruminations et du vagabondage mental,

– augmentation de la conscience du corps, des émotions, des pensées et de leurs interactions,

– découverte de la valeur adaptative et thérapeutique de l’instant présent,

– prise de recul et lâcher-prise par une attitude d’acceptation et de non-jugement,

– développement d’une façon différente d’être en relation avec les pensées, les émotions et les sensations,

– développement de stratégies de « coping » (faire face) plus adaptées.

La proposition principale est d’amener la personne à une situation de « témoin neutre » : observer ses sensations, ses pensées, ses émotions, sans jugement et dans l’acceptation, sans chercher ni à les fuir, ni à les chasser. Cette disposition d’esprit, adoptée au cours d’une pratique régulière :

– conduit à la réduction des réactions émotionnelles accompagnant les symptômes anxieux,

– entraîne un changement de comportement par la conscientisation des processus mentaux,

– permet d’adopter une attitude de décentration pour reconnaître les premiers signes annonciateurs d’un épisode lié à une problématique clinique,

– provoque un apaisement du mental et du corps,

– autorise un apprentissage de nouvelles compétences pour mieux identifier ses propres difficultés et y répondre.

En développant sa capacité d’attention, la personne se désengage des tendances à juger, à contrôler ou à orienter l’expérience du moment, et ne cherche pas à analyser ou à mettre en mots mais simplement à observer. Ce véritable entraînement de l’esprit permet alors un meilleur équilibre psycho-somatique.

Quelques exemples

De nos jours, plusieurs thérapies sont pratiquées et font l’objet d’études scientifiques. La plus reconnue actuellement est basée sur le programme MBSR -Mindfulness Based Stress Reduction ou Réduction du Stress Basée sur la Pleine Conscience. Mis au point dans les années 1980 par un médecin américain, le Dr Jon Kabat Zinn, il est aujourd’hui proposé dans plus de 250 hôpitaux aux États-Unis, dans les collèges et les universités, les entreprises et les prisons. Conçu au départ pour réduire le stress dû à la maladie, aux douleurs chroniques, et aux traitements pénibles, ce programme est conseillé, de manière plus large, à toute personne présentant des troubles anxieux liés à une histoire de vie ou à des difficultés professionnelles (burn-out,…). Le deuxième programme le plus connu est le programme MBCT -Mindfulness Based Cognitive Therapy ou Thérapie Cognitive Basée sur la Pleine Conscience. Il a été mis au point par Zindel Segal, Mark Williams et John Teasdale en 1995 et s’inscrit plutôt dans le domaine de la prévention des rechutes dépressives. Des études scientifiques ont montré un taux diminué de 50% et une durée entre les rechutes significativement allongée.

Ces deux protocoles se déroulent en groupe, sous la supervision d’un thérapeute qualifié. Chaque participant s’engage à assister aux 8 séances de 2 heures 30 -à raison d’une séance par semaine pendant 2 mois- que comporte le programme ainsi qu’à une demi ou une journée d’intégration (entraînement continu à la pleine conscience). Il s’engage également à avoir une pratique personnelle régulière et quotidienne d’une quarantaine de minutes.

D’autres approches existent. Citons le programme ACT -Acceptance and Commitment Therapy ou Thérapie d’acceptation et d’engagement- mis au point par Steven Hayes en 1999 et le programme DBT -Dialectical Behavior Therapy ou Thérapie Comportementale Dialectique- de Marsha Linehan pour la prise en charge des troubles graves de la personnalité.

Conclusion

L’avènement des neurosciences et en particulier de toute l’imagerie médicale inhérente (scanner, IRM…) permet aujourd’hui à la science occidentale d’étudier et de rendre visible les effets positifs des pratiques méditatives sur le fonctionnement du cerveau, sur l’entraînement de l’attention et la régulation émotionnelle. Des études montrent que la méditation améliore la qualité de vie dans différentes pathologies (sclérose en plaques, cancer du sein, fibromyalgie, dépression, psoriasis,…), et qu’elle apporte de nombreux bénéfices sur le plan psychologique. Néanmoins, le manque relatif de recul et certains écueils méthodologiques doivent nous conduire à garder un certain esprit critique. Si la méditation est une pratique ancestrale, les thérapies de pleine conscience n’en sont qu’à leur début. Ces dernières ne doivent pas être présentées comme un remède miracle dans la mesure où elles demandent une forte motivation et en engagement important de la part du patient. Cependant, les résultats indéniablement prometteurs de cette nouvelle approche ne peuvent qu’encourager les praticiens à s’engager dans cette voie.